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LE PROJET DE REGLEMENT EUROPEEN SUR LES TRANSPORTS DE VOYAGEURS

le 07 décembre 2005

La Commission Européenne a rendu publique le 20/07/2005 une nouvelle mouture du projet de règlement européen sur les transports de voyageurs par chemin de fer, par route. En fait, ce texte est prêt depuis le printemps. Mais l'âpreté du débat sur les services publics lors de la campagne référendaire en France a incité la commission européenne à la prudence. Selon nombre de spécialistes du dossier, ce projet devait être l'une des priorités de J. Barrot pour 2005. La prudence serait-elle toujours de mise ? Le nouveau gouvernement d'union SPD / Droite en Allemagne, dont une des premières mesures symboliques est d'engager la privatisation de l'entreprise ferroviaire nationale, la DB, n'augure-t-il pas d'un nouveau rapport des forces au sein des instances dirigeantes européennes susceptible d'accélérer l'adoption du règlement ?

Brefs rappels :

Il s'agit bien d'un règlement, et non pas d'une directive, dans la suite des textes européens qui constituent l'actuel cadre juridique régulant l'activité de ce secteur. Il n'y aura donc pas de débat de transposition, ce texte une fois adopté ayant valeur de loi pour tous les états de l'Union.

Un premier projet avait été rendu public en juillet 2000. Il avait suscité beaucoup de réserves de la part des Etats, dont la France, notamment sous l'impulsion de J.C. Gayssot, alors Ministre des Transports, mais aussi de l'Allemagne, inquiète pour le devenir de ses régies locales (“ Staatwerke ”). Ce projet était passé en débat au Parlement Européen à la fin 2001. Plus de 100 amendements avaient été déposés. La discussion, grâce notamment à l'activité déployée par le groupe GUE, avait abouti à des concessions de la Commission sans cependant de remise en cause de la logique qui sous-tend le projet de règlement.

Pourquoi un tel délai entre la conclusion du débat au parlement européen et la finalisation du nouveau projet de règlement ? Le débat au parlement avait suscité une réelle mobilisation notamment au niveau des fédérations syndicales et de l'ensemble des élus et des acteurs du monde des transports. Tout le travail réalisé autour du projet de règlement avait contribué à mettre en lumière le contenu profondément libéral du texte. Les conséquences de l'arrêt Altmark. Cet arrêt récent de la Cour de Justice a sensiblement retardé le travail la commission européenne. De quoi s'agit-il ? Cet arrêt établit la conformité des compensations de service public du secteur des transports avec les règles de la communauté européenne (y compris dans le cas de dérogation aux principes de concurrence). Les compensations doivent répondre à des règles précises de transparence, notamment pour les cas dérogatoires. Enfin, il y a la volonté de refonder la validité de ce règlement en l'adossant explicitement au livre blanc sur les Services d'Intérêt Général. Le parallélisme entre les règles proposées pour les transports terrestres de voyageurs et celles applicables aux Services d'Intérêt Economique Général est évident (rappel du débat sur cette notion lors de la campagne référendaire).

1) Le contenu du texte

Le présent texte, comme la précédente mouture, s'inscrit explicitement dans les suites du sommet de Lisbonne du 28/03/2000 invitant à “ accélérer la libéralisation dans des domaines tels que [...] le transport ”. L'objectif premier est ainsi clairement affirmé : “ développer la concurrence dans le domaine de la fourniture de transports publics ”. Appâtées par les perspectives de profit liées à la nouvelle période d'essor qui s'ouvre pour les transports publics, des grandes sociétés privées ont investi ce secteur, s'accaparant les réseaux avec l'ambition de constituer des opérateurs de taille mondiale. Une douzaine de groupes ont ainsi émergé à l'échelle planétaire, cinq britanniques, un canadien, un singapourien, un norvégien, un espagnol et trois français : Connex, filiale de Véolia, leader européen et n°2 mondial, contrôle 19% du marché français et réalise 70% de son chiffre d'affaires à l'international (Europe, Australie, Etats-Unis, Moyen-Orient) ; Kéolis, né de la fusion entre Via-GTI et Cariane en 2001, et qui est une filiale de la SNCF à 44,5% et du groupe financier britannique 3i, contrôle 40% du marché français et réalise 40% de son chiffre d'affaires à l'international (Europe et Canada) ; TransDev, filiale de la Caisse des Dépôts, qui contrôle 24% du marché français et réalise 40% de son chiffre d'affaires à l'international (Europe et Australie). L'existence de ce nouveau règlement est justifiée par la création de ces groupes multinationaux dans le secteur du transport de voyageurs, et par la nécessité d'assurer la réalisation d'un marché garantissant “ l'égalité de traitement entre opérateurs ”, donc l'accès de ces groupes au marché. L'urgence de l'adoption du règlement répond au constat suivant : “ en 2003, environ 25 % du marché des transports publics terrestres de l'UE était ouvert à la concurrence ”. Le mouvement est engagé. Il entraîne dans son sillage non plus quelques entreprises privées, mais aussi “ des groupes du secteur public, comme la DB (Allemagne), NS (Pays-Bas) et la RATP (France). Les opérateurs nationaux historiques ont profité de cette évolution pour intervenir ou prendre des participations sur de nouveaux marchés dans leur propre pays ou en dehors ”. L'achèvement du processus, son encadrement et sa sécurisation juridique par l'adoption du règlement européen, apparaissent donc logiques et inéluctables.

Les dispositions essentielles du règlement sont les suivantes : § Généralisation de la procédure d'appel d'offres et de contrat entre les tutelles et les opérateurs pour assurer les services. § Ce contrat de service public concède à l'exploitant choisi les droits exclusifs pendant une durée donnée (8 ans maximum pour le bus, 15 ans pour le rail et pour les contrats de services publics portant sur plusieurs modes si les transports par rail représentent plus de 50 % de la valeur des services en question). Il peut être allongé de moitié si nécessaire, compte-tenu de la durée d'amortissement des actifs liés au service effectué dans le cadre du contrat. § Cette obligation de concurrence ne concerne pas les contrats d'une valeur annuelle inférieure à 1 000 000 d'euros ou d'une fourniture annuelle de moins de 300 000 kilomètres de services, ce qui signifie qu'elle ne s'applique pas aux petites villes. § La concurrence peut également être écartée : Pour l'attribution des contrats de service public concernant les transports régionaux ou de longues distances par le rail. Ces derniers étant définis comme “ des services de transports qui ne répondent aux besoins en transport d'un centre urbain ou d'une agglomération, ou de liaisons entre une agglomérations et ses banlieues ” (ce qui laisse entendre qu'en Ile-de-France, Transilien ne pourrait donc pas bénéficier d'une telle dérogation). Lorsqu'une autorité organisatrice décide de fournir elle-même le service de transports (en régie) ou d'attribuer directement des contrats de service public à un opérateur interne “ à la condition que l'opérateur interne et toute entité sur laquelle celui-ci détient une influence même minime exercent l'intégralité de leur activités de transports publics de voyageurs à l'intérieur du territoire de l'autorité compétente et ne participent pas à des mises en concurrence organisées en dehors du territoire de l'autorité compétente ” (ce qui écarte la RATP en raison de son statut d'entreprise nationale, et encore davantage de son activité hors Ile-de-France depuis l'adoption du principe de “ déspécialisation ”). · Le choix du statut des opérateurs n'est pas traité par le règlement et reste du ressort des états membres. · De même, le principe de subsidiarité s'applique en ce qui concerne la détermination par les tutelles des objectifs et obligations de service public. · Toute compensation doit être compatible avec des règles de transparence (annexe 1 du projet de règlement) dont la séparation comptable entre les activités relevant du contrat de service public et les autres activités de l'entreprise, sans possibilité de transfert entre activités. · La notion de contrat de service public est suffisamment souple pour intégrer celle de délégation de service public. · Enfin, le règlement édicte des règles draconiennes d'application. Les délais de mise en œuvre sont pour le bus de 4 ans pour la moitié de l'activité et de 8 ans pour la totalité. Pour le rail, respectivement 5 ans et 10 ans, ainsi que pour les contrat portant sur plusieurs modes (si le rail représente plus de 50 % de la valeur des services en question).Ces délais s'appliquent à la fin des contrats existant s'il y a eu au préalable mise en concurrence.

2) Le sens politique du texte

Cette nouvelle mouture maintient le cap de la “ concurrence régulée ”. Ce texte, tout en étant d'inspiration profondément libérale, veut apparaître comme un texte de compromis. Cela en raison du contexte politique (bilan catastrophique de la déréglementation en GBR, attachement fort au service public, conscience plus affirmée des enjeux sociétaux liés au transport, débat politique en France et plus largement en Europe) et économique (le secteur ferroviaire et les transports urbains des grandes villes européennes sont encore peu touchés par la libéralisation). La déréglementation à la britannique est toujours utilisée comme repoussoir. Le bilan qu'en trace la Commission est sévère : baisse de fréquentation (>20% sur 5 ans dans les zones urbaines), faible intégration des réseaux, modifications incessantes dans l'offre de service.

C'est toujours au nom du compromis le plus efficace entre coût et qualité des services que la Commission prône la concurrence régulée. Mais de manière insidieuse, elle prend appui sur des évolutions dans le secteur des transports publics et chez un certain nombre d'opérateurs (comme la RATP) entre 2000 et 2005 qu'elle a elle-même incitées et que les gouvernements ont largement favorisées. Le brouillage idéologique reste de mise. La notion de service public est omniprésente jusqu'à figurer dans l'intitulé même du projet de règlement. La Commission continue de s'abriter derrière la réponse aux besoins de service public pour justifier sa position. C'est ainsi qu'est reconnu le rôle essentiel du service public de transports en commun et des compensations financières publiques qui en découlent “ pour assurer un meilleur niveau de service que celui fourni par le seul marché ”. Par contre, par rapport au projet initial, l'ambition affichée en terme d'objectifs de service public est tombée d'un cran. Au nom de l' “ intérêt général ”, il définissait la notion de “ service de transport public suffisant et d'un niveau de qualité élevé ” dont la fourniture devient une obligation pour les autorités organisatrices. S'en suivait un certain nombre de critères minimaux de service public à retenir lors des phases d'adjudication. Tout cela a été abandonné et considéré comme relevant de la subsidiarité. Le facultatif, au delà de quelques généralités découlant des objectifs principaux définis dans le livre blanc sur les SIG, règne en maître. Peut-on également invoquer un certain pragmatisme découlant des discussions avec des acteurs ou opérateurs ayant fait valoir le caractère parfois peu réaliste ou contradictoire de certaines propositions (notamment l'encadrement des compensations dans le domaine tarifaire) ? Voire la volonté d'avancer au gré des rapports de force politique locaux, régionaux, nationaux tout en définissant un cadrage européen consensuel et suffisamment clair sur les choix et objectifs retenus ?

Il convient, dans cet esprit, de s'interroger sur les profondes modifications concernant les possibilités de dérogation. La reconnaissance du droit des collectivités publiques à “ autoproduire ” des services d'intérêt public constitue une avancée réelle, de même que le maintien des dérogations concernant le ferroviaire régional ou de longue distance. On ne peut néanmoins manquer de noter que les arguments forts sur les risques de morcellement des réseaux et de mise en cause de la sécurité, et qui s'est traduit par la notion de services intégrés intermodaux, ont été balayés au profit d'une vision purement juridico-financière axée sur le thème du droit à la concurrence. C'est très clairement le cas avec la notion d'opérateur interne.

Enfin, de manière récurrente, on peut noter la faiblesse de l'argumentation justifiant le choix de la concurrence régulée au regard de ces critères. Les seuls éléments avancés concernent l'accroissement comparé de la fréquentation des autobus et autocars et des coûts de production par bus/km entre les états ayant ouvert leur marché et les autres.

3) Les principaux dangers du texte

En persistant à faire de la concurrence son axe central, le texte interroge clairement l'avenir des deux entreprises nationales du secteur, la SNCF et la RATP, voire au-delà pour certains réseaux de province.

Il s'inscrit dans le droit fil des stratégies mises en œuvre à l'occasion des privatisations d'EDF ou de GDF par exemple en pointant notamment les orientations de la direction de la RATP qui fonde le développement de la régie sur l'ouverture et la conquête des marchés extérieurs et crédibilisant, dans le même temps, l'impossibilité d'un maintien de la situation actuelle (déclarations répétées de Mme Idrac sur le caractère incontournable de l'évolution de la RATP). · Pour la SNCF, la mise en concurrence avec d'autres opérateurs (Deutsche Bahn, Vivendi,...) dans l'attribution des dessertes ferroviaires au niveau des régions ne peut résulter que d'une décision politique de l'autorité organisatrice. Néanmoins, ces dessertes ne relèvent pas du statut dérogatoire d'opérateur interne (article 5 paragraphe 6). · Pour la RATP, s'impose une double contrainte. L'autorité organisatrice décide de l'option retenue, mise en concurrence ou non mise en concurrence. Dans le second cas, la RATP devra répondre aux critères retenus pour les opérateurs internes. Dans les deux cas s'imposeront les contraintes liées au statut. Dans les deux cas, la séparation comptable des activités induite par le règlement conduira inévitablement à des pertes de synergie entre les activités d'exploitation, de maintenance, d'ingénierie et de recherche, affaiblissant l'efficacité globale des entreprises.

Enfin, il faut noter les bouleversements qu'implique le statut d'opérateur interne sur un certain nombre de réseaux de métropoles de province jusqu'à présent exploité sous le statut de SEM. Ces réseaux devront s'adapter pour répondre aux critères imposés par l'article 5 paragraphe 2, c'est-à-dire soit le mode régie, soit le mode EPIC.

Il s'agit de porter une critique de fond sur la concurrence présentée comme source d'efficacité et de progrès : · La logique portée par le texte porte en elle le morcellement des réseaux, alors que la réponse aux besoins des populations appelle à pousser leur intégration et donc leur coopération. La notion d'intermodalité est significativement absente du texte. Il est d'ailleurs significatif qu'un certain nombre d'arguments partant d'une approche et d'une expérience technique, économique et organisationnelle de la qualité du service public ait été mis de côté. Ils ne peuvent prévaloir, dans l'esprit de la commission, sur l'impératif concurrentiel. · Même si le texte abonde de référence formelle au service public, en l'absence d'une définition claire du contenu de cette notion et d'objectifs de progrès social, la course à la réduction des coûts risque d'être le critère décisif de compétitivité des opérateurs mis en concurrence (exemple récent du renouvellement de l'exploitation du réseau lyonnais où la mise en concurrence Kéolis-RATP a abouti à un contrat d'un coût inférieur de 20% pour un niveau d'offre sensiblement inchangé). Cela ne peut déboucher que sur des effets négatifs pour l'emploi, le niveau de vie et de protection sociale des employés, ainsi que pour la qualité de service, les tarifs et la sécurité des usagers. · Contrairement aux affirmations du texte, le récent passage à la concurrence régulée dans les réseaux urbains et inter-urbains de certains pays (exemple : Italie) confirme ce diagnostic : baisse des rémunérations, précarisation des emplois, effets pervers du processus de contractualisation à durée limitée n'incitant pas les entreprises à investir dans la modernisation des réseaux,... · Enfin, la logique qui sous-tend le texte induit comme corollaire du principe de concurrence celui de privatisation. C'est particulièrement clair pour le ferroviaire où nous assistons depuis plusieurs années à une privatisation accélérée “ par appartement ”, le SERNAM, des pans de l'entretien de la voie sur le TGV Est, certains services commerciaux auxquels s'ajoute l'obligation de concurrence dans le domaine du fret résultant d'un récent règlement européen. Ca l'est également à la RATP où les pressions sont très fortes et dans certains réseaux des grandes villes de province comme l'illustre le conflit de la RTM. Tout cela ne va pas sans résistance dès lors que la question du service public est appropriée par les salariés, les citoyens et les élus. Le débat sur l'avenir du réseau de Toulouse, comme les luttes à la SNCF ou à la RTM, constituent autant de points d'appui pour résister et marquer de réelles avancées.

4) Quelle intervention des communistes ?

Il s'agit à la fois : 1. D'intervenir sur le contenu du règlement pour en combattre pied à pied les dispositions les plus dangereuses. 2. D'en illustrer la logique à la lumière des orientations libérales qui sont au cœur des stratégies des entreprises de transports publics et dominantes dans les politiques publiques. 3. Et de tracer un autre avenir pour l'organisation des transports de voyageurs en France et en Europe.

Sur le premier point, on peut fixer plusieurs objectifs : · Sortir du champ du règlement le transport ferroviaire lourd pour préserver l'intégrité du réseau SNCF. C'est justifié sur la base de l'expérience : sur les 15 pays de l'Union, 7 ont dans ce secteur un opérateur public en situation de monopole, 5 présentent un marché en grande partie fermé avec un opérateur, en général public, en situation de quasi-monopole, 1 (la Suède) pratique en partie la concurrence régulée sur certaines parties du réseau, et 1 (le Royaume-Uni) pratique une concurrence régulée totale, avec un bilan catastrophique en matière de sécurité, de qualité de service et d'emploi. D'autre part, il faut noter que la Communauté des Chemins de Fer Européens (CCFE) regroupant les exploitants s'oppose aux thèses de la Commission, estimant que la question de la concurrence doit être laissée à l'appréciation des états membres. · Ne pas lâcher prise sur la notion de réseau intégré multimodal. C'était d'ailleurs le sens du document élaboré en 2001 par le Groupe des réseaux des grandes métropoles rassemblant les opérateurs publics de Paris, Athènes, Rome, Londres, Lisbonne, Bruxelles, Berlin, Barcelone et qui met en évidence “ le conflit inhérent entre les besoins d'intégration, d'investissement à long terme, de souci de la sûreté et de la sécurité et de stabilité du service d'une part, et l'introduction de la concurrence dans l'exploitation d'autre part, particulièrement dans les grandes métropoles ”. Il s'agit par exemple de faire reconnaître l'intérêt d'un opérateur public unique dans les grands bassins de déplacement, agissant de concert avec l'autorité politique. Ces deux questions sont plus particulièrement vitales en Ile-de-France. Le transfert du STIF à la région (majoritaire) et aux départements doit être l'occasion d'un débat sur ce projet de règlement et sur les perspectives que se fixe la nouvelle autorité organisatrice pour la préservation et le développement du service public. Les Franciliens, les organisations syndicales et les salariés des deux entreprises publiques attendent de la majorité régionale une prise de position claire. Or les discussions sur le devenir du patrimoine du STIF laissent apparaître des velléités d'accompagnement du projet européen de la part du Président de la Région. Il faut noter que la Commission se heurte à de réelles difficultés. Le conseil des ministres européens des transports n'a pas examiné le projet comme prévu lors de sa réunion d'octobre 2005. Il semble notamment que l'Allemagne soit de nouveau réticente, les dérogations prévues à la mise en concurrence étant jugées insuffisantes pour protéger ses régies (dont certaines ont une participation privée minoritaire, ce qui les excluerait de la possibilité d'un contrat de gré à gré avec l'autorité organisatrice).

Sur le second point, il est essentiel de mettre en cohérence les choix politiques libéraux au niveau de l'Etat avec les stratégies d'entreprise axées sur la compétitivité à outrance et l'inéluctabilité de la concurrence. Comme l'illustre le projet de loi de finance pour 2006 et les récentes décisions de privatisation tous azimuts (les autoroutes, EDF), la réduction de la dépense publique d'Etat et les cadeaux fiscaux pour les entreprises et les couches les plus aisées restent les instruments privilégiés pour répondre aux critères de la banque centrale et des choix politiques européens. Nous assistons aujourd'hui à une véritable fuite en avant qui se traduit par un délestage massif des charges publiques au travers des transferts de compétence vers les collectivités territoriales. Ces dernières sont placées de fait devant l'alternative suivante : soit réduire en quantité et en qualité le service offert, soit augmenter dans des proportions croissantes la fiscalité locale. Le récent rapport Philip sur le financement des transports collectifs urbains esquissait avec précision les conditions dans lesquelles le service public devra évoluer : il n'y a pas d'autres voies que celle d'un apport massif de ressource de l'usager et des populations (l'automobiliste doit financer le développement des transports collectifs) et d'une compétitivité accrue des opérateurs en terme de coûts. Toujours selon le même rapport, des choix douloureux sont incontournables. C'est naturellement dans ce contexte que se développe une pression politique pour opposer usagers et populations et les salariés des entreprises de transports collectifs (l'acharnement médiatique lors de la dernière grève des cheminots est, de ce point de vue, révélatrice). Il y a donc urgence à intervenir à tous les niveaux sur le fond des enjeux et développer notre conception du service public comme garant de la réponse aux besoins des populations et promoteur d'avancées et de progrès social pour les salariés qui en ont la charge. Il faut réhabiliter l'utilité pour la société de la dépense d'Etat, et au-delà développer tous les champs de convergence à partir de nos propositions sur des choix de financement alternatifs et porteurs d'emploi et de progrès social.

Sur le troisième point, il faut réaffirmer que le transport ne doit pas être traité comme une marchandise. En effet, cette activité est porteuse d'un certain nombre d'exigences incompatibles avec la logique de libre concurrence placée sous domination des marchés financiers : · Son rôle essentiel dans l'aménagement et le développement des territoires ; · C'est un enjeu majeur dans le débat sur les choix énergétiques pour l'avenir et dans la lutte contre le réchauffement climatique (mise en œuvre du protocole de Kyoto) ; · Le degré de sécurité technique et humaine requis ; · Le besoin de cohérence de réseaux (coordination des modes, des fréquences, des horaires, des tarifications,...). L'introduction de la concurrence implique la mise en compétition des opérateurs publics avec le privé. Or, même encadré par un contrat définissant des obligations de service public élevées, le système de concession privée de service public implique une gestion guidée par l'impératif de rémunération des actionnaires et donc par la rentabilité financière. Et par contrecoup, cette même logique de gestion tend à s'imposer aussi dans les entreprises publiques mises en compétition avec le privé sur la base du critère de minimisation des coûts. La concurrence débouche ainsi sur des contraintes contradictoires avec les objectifs de service public. Débarrassée de ces contraintes et placée sous contrôle démocratique, l'entreprise publique peut au contraire être un instrument agissant en accord avec les objectifs définis par l'autorité politique, notamment en intégrant dans sa gestion la planification à long terme de la réponse aux besoins sociaux, et devenir un vecteur du droit au transport pour tous. La victoire de Toulouse pour faire revenir les transports dans le giron public est un point d'appui face aux privatiseurs. Cependant se pose la question d'une coordination des structures publiques à l'échelle nationale pour offrir aux collectivités territoriales une alternative de poids à la domination des grands groupes comme Connex. C'est dans ce but que nous proposons de créer un pôle public du transport de voyageurs urbains et régionaux qui rassemblerait la RATP, la SNCF, TransDev (filiale de la CDC), les régies et réseaux publics indépendants (regroupés actuellement dans l'association AGIR). Ce pôle permettrait : de construire des réponses coordonnées de service public aux demandes des collectivités ; de favoriser l'intermodalité et les interconnexions entre réseaux (par exemple entre les réseaux urbains et interurbains) ; d'harmoniser la tarification ; de partager les coûts d'investissement et de recherche ; de favoriser une politique industrielle cohérente en collaboration avec les fournisseurs de biens d'équipement (matériels roulants, équipements d'information aux voyageurs, logiciels du transport, ...) ; de mener des opérations de coopération à l'étranger pour aider les collectivités et les opérateurs en place à structurer leur réseau (ce qui justifie le maintien et le développement de la filiale commune RATP-SNCF SYSTRA) ; de peser dans l'économie européenne des transports et auprès des institutions politiques de l'UE dans le sens des valeurs du service public. Pour cela, ce pôle public serait structuré autour de deux outils : une charte commune valant engagement auprès des usagers et des collectivités sur un contenu élevé de qualité de service ; un statut harmonisé par le haut, commun aux personnels de ces entreprises, permettant de favoriser les mobilités sur la base du volontariat. Le besoin de libre coopération existe à l'échelle du continent dans le domaine du transport de voyageurs. Il faudra donc aller vers d'autres textes, inspirés par une toute autre logique. Dans ce sens, la bataille contre le projet de règlement s'inscrit dans le combat plus général pour construire un nouveau traité européen fondé sur les besoins des peuples, projet dont le service public est une dimension essentielle. Le premier objectif sur cette voie reste d'obtenir un moratoire sur la libéralisation des services publics dans le but de faire le bilan de la déréglementation et de contribuer ainsi à cette réorientation de la construction européenne. La dynamique de la campagne référendaire et la victoire du non en mai dernier sont des points d'appui pour construire les rassemblements et nous faire entendre au plus haut niveau à Paris comme à Bruxelles.

(07 décembre 2005)

Politique des transports : pour un service public du rail

Par Economie et Politique, le 30 novembre 2005

Politique des transports : pour un service public du rail

SOMMAIRE
III Transports : un enjeu de société
Dominique MAUGARS
IV « Contrer les mesures de régression et construire l’alternative ! »
Interview de Marie-George BUFFET
VI Quelle organisation et quelles coopérations des transports
pour répondre aux défis de notre temps ?
Daniel GENESTE
VIII Le point de vue des organisations syndicales
CGT, SUD-RAIL, UNSA, CFDT, FO
XI Action du 22 novembre à la SNCF : les avancées
Pierre-Henri LAB
XII Les statuts des cheminots et de la SNCF :Tremplins pour le progrès social
Eric FERRON, Alain MORIN
XIV Le service public : une idée résolument moderne !
Sylvain BRIÈRE
XVI Des trains d’intérêt national
Gérard PICHARD
XIX Fret SNCF : imposer d’autres choix
Daniel JUNKER
XXI Financement des infrastructures : les incohérences de l’Etat
Intervention de Daniel PAUL, député communiste, lors du débat sur les infrastructures de transport à l’Assemblée nationale
XXIII Projet de loi : « sécurité et développement des transports »
Extraits de l’intervention de Michel BILLOUT, sénateur de Seine et Marne, Groupe Communiste Républicain et Citoyen

Grandes manœuvres libérales dans le secteur maritime

Par Le Pollotec Yann , le 30 novembre 2005

Grandes manœuvres libérales dans le secteur maritime

Une «directive Bolkestein» peut en cacher une autre.

Les hasards du calendrier parlementaire européen vont faire que la nouvelle directive portuaire va être discutée et soumise aux votes des députés, en janvier, en même temps que la directive Bolkestein. Ces deux directives sont jumelles par leur philosophie : il s'agit d'organiser une concurrence exacerbée entre les hommes, de briser les statuts et les protections sociales, de tirer vers le bas les salaires. Toutes les deux s'intègrent donc parfaitement aux objectifs de compétitivité de l'Agenda de Lisbonne.

Les services techniques nautiques, c'est-à-dire le pilotage, le remorquage, l'amarrage, la manutention du fret, le lamanage (opérations d’amarrage et désamarrage)... sont dans le collimateur.

En effet, le secteur portuaire est stratégique pour le fonctionnement de l'économie européenne car par lui transite 90% des échanges de l'Union européenne avec le reste du monde et 30% des échanges intracommunautaires. On voit donc l'enjeu financier qui existe pour les transnationales du fret à abaisser les coûts de passage des marchandises dans les ports.

L'objet de la directive portuaire est de créer les conditions juridiques de la compression de ces coûts, en s'appuyant sur deux principes : la règles du pays d'origine et l'auto-assistance.

Ainsi, toute entreprise d'un pays de l'Union européenne pourra s'installer dans n'importe quel port et exercer ses activités uniquement selon les lois du pays qui abrite son siège social.

Avec l'auto-assistance, un armateur pourra recourir à son propre équipage pour effectuer des tâches qui jusqu'ici étaient du seul ressort des salariés des services techniconautiques des ports.

Cela revient à introduire le principe des pavillons de complaisance au cœur même du domaine portuaire, y compris pour l'activité de manutention, ce qui contrevient à la convention n°137 de l'OIT(1) qui stipule que ce type de travail ne peut être effectué que par des dockers immatriculés.

Le recourt à un personnel déqualifié, sous payé, multinational(2), ne peut que multiplier des risques d'accidents graves. Mais pour les chargeurs et amateurs, les accidents, les pollutions, ne sont que des charges exceptionnelles à provisionner qui restent marginales face à l'enjeu financier que représente la baisse de coût de transit par un port d'une marchandise.

En 2003, une forte mobilisation des dockers et de l'ensemble des professions technico-nautiques, en liaison avec l'activité du groupe GUE/NGL, avait permis d'obtenir le rejet par le Parlement européen(3), d'une première mouture de cette directive portuaire.

Elle revient à nouveau sous la forme d'une « nouvelle » directive, à peine modifiée(4). C'est pourquoi, il faut maintenant une mobilisation encore plus forte que celle de 2003, pour obtenir à nouveau un vote négatif et son enterrement définitif.

Déréglementation des transports maritimes : toujours plus

Historiquement, le transport maritime a été la première activité mondialisée. Il a été aussi le premier à être touchée par la déréglementation à tout va, la mise en concurrence à tout crin, la course au profit à tout prix. Les résultats nous les connaissons tous : Marées noires, pollutions de tous ordres, bateaux poubelles, naufrages à répétions.

Plus de 64% de la flotte mondiale est maintenant sous pavillon de complaisance.

Victimes de salaires de misère souvent impayés, de navires abandonnés couverts de dettes, de conditions sanitaires effroyables, de listes noires anti-syndicales, les marins sont devenus de véritables damnés de la mer, les nouveaux esclaves de notre siècle. Tout cela au nom de la compétitivité, de l'ouverture des marchés !

En la matière les objectifs de Lisbonne sont pulvérisés avant l'heure, en quelques années les frais d'équipage ont diminué de 60%.

On croyait que le niveau d'insécurité sociale et industrielle atteint par le transport maritime ne pouvait pas être aggravé, mais avec la Commission européenne, le pire est toujours possible.

Fin novembre, la Commission européenne, mue par son habituel dogmatisme libéral et par son empathie envers les intérêts financiers des chargeurs, a proposé d'aller encore plus loin, en vidant de leur substance les «conférences maritimes». Certes ces instances qui datent de 1885, sont loin d'être parfaites mais elles permettaient au moins que le transport maritime ne devienne totalement une jungle. Malheureusement, le Parlement n'a remis en cause ni la démarche, ni les objectifs des propositions de la Commission. Il les a simplement nuancés, et limités à la marge, en étalant dans le temps leur mise en œuvre.

Le seul point véritablement positif, est la demande de la réalisation d'une véritable étude d'impact des mesures demandées par la Commission. Mais reste à savoir si cet audit portera aussi et surtout sur les conséquences en terme d'emplois, de salaires, de conditions de travail, de sécurité et d'environnement.

Au lieu d'accompagner la fuite en avant ultra-libérale de la Commission, le Parlement ferait mieux d'agir pour que le transport maritime soit considéré comme bien public mondial et placé sous la responsabilité juridique de l'ONU via l'Organisation maritime internationale (OMI) avec un statut unique et universel du marin.

(1)Organisation internationale du travail.

  1. II n'est pas rare de rencontrer sur les navires battant pavillon de complaisance, des marins de 6 ou 7 nationalités et langues différentes.

  2. 229 voix contre, 209 pour.

  3. La spécificité de la profession de pilote a été mieux prise en compte.

 

Partons des besoins pour penser l'avenir de la SNCF et de ses agents

le 18 novembre 2005

Les cheminots, à l'appel de leurs organisations syndicales majoritaires, ont décidé d'une action nationale d'arrêts de travail reconductibles. Les communistes leur apportent leur soutien.

SNCM : Les salariés et les syndicats ont fait preuve de courage et de responsabilité

le 13 octobre 2005

L'assemblée générale des personnels grévistes de la Société nationale Corse-Méditerranée (SNCM) vient de voter la reprise du travail à la compagnie maritime pour éviter la cessation de paiement.

C'est une décision courageuse qui prouve l'ouverture au dialogue des personnels et des syndicats. Face aux menaces brandies en lieu et place du dialogue social, ils font preuve d'une responsabilité et d'un courage qui manque cruellement au gouvernement. Sans pour autant céder sur le fond de leur lutte légitime contre la privatisation, c'est le choix de faire évoluer la forme de la lutte qui est pris.

Le vote de la reprise du travail ne signifie pas la fin du conflit. Le gouvernement a le devoir de revenir à la table des négociations sur l'avenir de l'entreprise, en toute transparence, notamment à la lumière des éléments qui ont été apportés par ce mouvement sur la SNCM et sur ses concurrents.

Les questions du service public et de la continuité territoriale demeurent entières. Le gouvernement doit impérativement engager, sans dogmatisme et de façon responsable, avec les salariés, les usagers et les syndicats un dialogue social réel.

Parti communiste français Paris, le 13 octobre 2005.

SNCM : l'heure du mensonge !

le 11 octobre 2005

Parlant « d'heure de vérité », le gouvernement vient d'annoncer qu'il allait passer outre toutes les demandes de négociation des salariés sur des propositions alternatives et appliquer tout simplement la décision qu'il avait prise depuis le début : privatiser. En ne proposant comme choix aux salariés que d'accepter cette décision ou d'aller vers la fermeture totale de l'entreprise par dépôt de bilan, c'est à dire en pratiquant un chantage insupportable, ce gouvernement montre son vrai visage. La vérité c'est qu'à aucun moment, n'a été étudié le plan de relance et les propositions alternatives des salariés.

En se déplaçant à Marseille, sous prétexte de « négocier », les ministres n'avaient pas d'autre objectif que de faire semblant, de faire croire que le gouvernement écoutait et prenait en compte les propositions des salariés et des syndicats. C'était pur mensonge !

Cette obstination, le refus de toute véritable négociation et l'usage de la force engage la responsabilité du gouvernement dans la dégradation de la situation. Il est urgent de rétablir les conditions du dialogue social et de redonner espoir aux salariés en grève depuis trois semaines.

Le Parti communiste français soutient les salariés en lutte et demande que les propositions des syndicats soient examinées sérieusement. Il en va de la survie d'un service public qui concerne la Région PACA, la Corse et plus largement,la France entière par le principe d'obligation de continuité territoriale.

Parti communiste français Paris, le 11 octobre 2005.

AUTOROUTES : privatisation à sens inique

Par Ivorra Pierre , le 30 septembre 2005

AUTOROUTES :  privatisation à sens inique

L’annonce de la privatisation des 3 grandes sociétés publiques concess ionna ires d’autor outes , les Autoroutes du Sud de la France (ASF), les Autor outes Paris-Rhin-Rhône (APRR) et la Société des Autor outes du Nord et l’Est de la France (SANEF), a provoqué un tollé jusque dans les rangs d’une par tie de la droite tant il est vrai que l’opération ressem ble à une vente à l’encan des bijoux de famille.

 

Si l’affaire est menée à son terme , l’essent iel du réseau autor outier frança is passera it sous la cou pe du privé. C’est dire l’impor tance de l’opérat ion. Il s’agit pour le gouvernement Villepin sans aucun doute de trouver à bon com pte des ressour ces pour rédu ire la dette publique et tenter de rentr er à nouveau dans les «clous» des critèr es eur opéens en matière de déficit public.

 

Il y a auss i un projet plus vaste : la droite enten d avec ces privatisations engager le pays dans un cer tain type de tra itement des enjeux de la politique des transpor ts et de l’aménagement du terr itoire, en France et en Europe.

 

Un article PDF, ci-joint, de François Congost (Pierre Ivorra)

SNCM : Lettre envoyée à D. De Villepin par Marie-George Buffet

le 28 septembre 2005

Lettre envoyée ce jour, au sujet de la S N C M par Marie George BUFFET, Secrétaire nationale du PCF, Nicole BORVO, présidente du groupe CRC au Sénat, Alain BOCQUET, président du groupe Communiste et Républicain à l'Assemblée nationale

à Dominique DE VILLEPIN, Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre,

La situation est grave à la SNCM et sur le Port Autonome de Marseille. Les décisions prises au niveau de l'Etat ont considérablement dégradé la situation sociale et économique des régions de Provence Alpes Côte d'Azur et de Corse et l'envoi des troupes pour réprimer la mobilisation sociale choque l'opinion publique.

Depuis 2002, les gouvernements successifs ont mené une politique de liquidation des services publics. La SNCM en est l'un des fleurons et l'on connaît son importance stratégique tant pour la continuité territoriale que pour les échanges avec les pays du Maghreb.

Nous sommes surpris par la violence, les procédés et les objectifs poursuivis, ainsi que par le défaut total de débat contradictoire préalable aux décisions annoncées qui ne tiennent pas compte des engagements pris par le gouvernement au début de cette année.

Aussi, permettez-nous de solliciter, au nom du Parti communiste français, un entretien avec une délégation de parlementaires et d'élus des Bouches-du-Rhône et de Corse que nous conduirons à propos de la situation à la SNCM.

Dans l'attente, veuillez agréer, Monsieur le Premier ministre, l'expression de notre considération.

Marie-George Buffet, Alain Bocquet, Nicole Borvo Paris, le 28 septembre 2005

Oui au développement du réseau ferré, au service public, à l'aménagement du territoire

le 06 juillet 2005

En plein été, la SNCF annonce la suppression des trains sur 3 lignes transversales

Le 2 août, en plein été, la SNCF annonce qu'elle va supprimer, à partir de décembre prochain, 70 trains sur les lignes Quimper-Nantes-Bordeaux-Toulouse, Nantes-Lyon et Caen-Le Mans-Tours si les régions traversées n'acceptent pas de prendre à leurs charges les déficits.

Il est inacceptable qu'une entreprise publique se permette un tel chantage envers des élus du suffrage universel. Au nom de quel principe les régions devraient-elles financer les infrastructures qui les traversent ? En interpellant ainsi les régions, la société nationale porte un coup au droit aux transports en cassant l'égalité de traitement des citoyens. Si vous résidez dans une région riche vous aurez des trains sinon rien. Est-ce cela une politique d'aménagement du territoire ?

Face à la mobilisation des élus, des usagers, des cheminots et de l'ensemble de leurs organisations syndicales,le Ministre des Transports assure aujourd'hui que les lignes ne seront pas fermées, mais il ne dit rien du nombre de trains qui seront maintenus, ni d'ailleurs sur la modernisation de ces lignes.

Le déficit des lignes transversales n'est pas inéluctable

Sur les autres lignes exploitées par la SNCF, là où le matériel a été modernisé et où l'état des voies permet des temps de trajet attractifs, les résultats sont en hausse partout. Le 20 juin dernier, dans une conférence de presse, la SNCF a qualifié “ d'excellents ” ses résultats commerciaux avec un nombre de voyageurs transportés en progression de 3,4% et un chiffre d'affaire en hausse 5,6%, supérieurs aux objectifs fixés en début d'année. Cette hausse du trafic est principalement due à une politique de petits prix et de promotion très active. Les résultats financiers actuels des lignes Corail n'ont donc rien de fatal.

Le niveau des trafics sur les 3 lignes que la SNCF menace d'abandonner tient d'abord à l'absence d'investissements sur les voies et sur le matériel utilisé. Ainsi sur la ligne Caen-Tours, la vitesse des trains est limitée par endroit à 80 km/heure par manque d'entretien des voies quand l'autoroute toute proche autorise des vitesses bien supérieures !

Il s'agit bien de choix politiques au détriment du service public et en faveur de la recherche du profit alors que l'intérêt général voudrait, en pleine crise du pétrole, qu'on développe et investisse dans les transports collectifs.

Quelle politique des transports ?

Sécurité, préservation de l'environnement, développement durable, ce sont là des questions fondamentales qui doivent se traduire en actes politiques concrets. La France et l'Europe ont besoin d'offrir une alternative à l'automobile et au camion en se dotant d'un maillage ferré attractif aussi bien pour le transport des voyageurs que pour le fret. Mais les orientations politiques libérales sont incapables de dégager les financements nécessaires : les détenteurs de capitaux réservent leurs investissements aux secteurs à forte rentabilité, ce qui n'est pas le cas pour les infrastructures de transport. Des mesures sont indispensables en faveur du rail et du service public en France et en Europe avec des objectifs de développement des trafics par les modes les plus sûrs et les moins polluants. Supprimer des trains sur des lignes parce qu‘elles sont déficitaires est absurdité et une injustice pour les régions concernées. Plus de circulation sur les routes, c'est plus de dépenses pour la collectivité : que l'on fasse de vrais bilans !

Propositions à débattre pour une autre politique

L'urgence est d'abord à l'annulation pure et simple des mesures annoncées et à la mise en place rapide d'une table ronde (Etat, Région, syndicat, SNCF et usagers) pour trouver des solutions aux problèmes posés dans l'intérêt du plus grand nombre Alors que nous entrons dans une société post-pétrolière il est plus que jamais nécessaire de développer les transports collectifs qui assurent à chacun le droit de se déplacer. Cela passe obligatoirement par une démarchandisation de ce secteur, c'est-à-dire par une politique complètement différente de celle menée actuellement par le gouvernement de droite et la direction de la SNCF. Les profits des grandes entreprises flambent comme jamais - voire les résultats de Total -, des milliards sont engloutis dans la spéculation foncière et immobilière, mais il n' y a pas d'argent pour développer le chemin de fer !

Le PCF demande donc l'ouverture à l'échelle du pays d'un grand débat national pour définir ensemble le service public dont notre peuple a besoin et des moyens à mettre en œuvre pour les financer. Ce débat doit donner la parole à chacune et chacun, c'est la condition de son efficacité. Au-delà, le PCF propose une grande réforme des services publics en donnant de réels pouvoirs dans les conseils d'administration aux représentants de salariés, d'usagers et d'élus. Le crédit doit être sélectif et favoriser les investissements utiles. Les services publics modernisés, démocratisés et élargis sont une condition incontournable pour la création d'une perspective de gauche.

Annexes

Lignes transversales : Ce sont les lignes qui ne passent pas par Paris. Elles sont desservies par des trains Corail. La SNCF considère la plupart d'entre elles comme des “ liaisons interrégionales ” alors que la loi prévoit qu'une ligne qui dessert plusieurs régions est “ d'intérêt national ”. Leur financement relève légalement de l'Etat et non des régions.

De la Commission de Bruxelles aux 3 lignes menacées..... La SNCF se prépare à être concurrencée sur les lignes qu'elle exploite et en particulier sur les lignes les plus rentables. Elle tente de se dégager de ses missions de service public comme, par exemple, la péréquation qui permet d'utiliser les bénéfices des grandes lignes pour financer celles qui sont moins fréquentées. La péréquation permet d'assurer une desserte harmonieuse du territoire.

3 lignes et du matériel en mauvais état.... Ainsi sur Caen - Tours, la vitesse est limitée à 80 km/h, faute d'entretien des voies. Sur l'ensemble des lignes “ interrégionales ”, les voitures ont en moyenne 25 ans d'âge, les locomotives plus de 30 ans.

La SNCF doit réduire la vitesse des trains sur 1000 km de lignes. Un milliard d'euros est nécessaire chaque année pour entretenir le réseau ferré français. La France est le pays d'Europe qui consacre le moins de moyens à son réseau ferré (0,75% du PIB. Le besoin de régénération du réseau est de un milliard d'€ par an de 2004 à 2010).

Les prévisions de trafics et les réponses gouvernementales Selon les prévisions officielles, les transports de voyageurs devraient augmenter d'ici 2020 de 60% et le fret de 40% Un document émanant du Cabinet de Ministre des Transports définit clairement les priorités en matière de transports terrestres. Malgré ces prévisions, le gouvernement considère que la route restera le mode dominant à hauteur de 75% des transports de marchandises voire au-delà. Il estime que “ face à l'augmentation du besoin de transports de marchandises, les contraintes sociales et environnementales ne seront pas suffisamment fortes pour que les pouvoirs publics doivent conduire une politique visant à agir fortement et durablement sur les conditions d'accès aux infrastructures et/ou sur les facteurs de compétitivité des différents modes ”.

Le gouvernement met en avant des problèmes financiers pour mieux dissimuler ses véritables choix politiques.

Incendie du tunnel du Fréjus : la politique des transports en question

Par , le 31 mai 2005

Incendie du tunnel du Fréjus : la politique des transports en question

Daniel Blache (*)

Après la tragédie du tunnel du Mont-Blanc en 1999 , qui avait fait 39 morts, après les 7 morts causées par deux acci dents distincts impli quant des poids

lourds, dont l'un a provoqué un incendie dans le tunnel du Fréjus, nous sommes plus que jamais confortés dans notre volonté d'exiger une autre politique des transports.

En premier lieu, il faut recons idérer le plan fret de la SNCF qui a mis plus de 200 000 camions supp lémenta ires sur les routes en 2004. Ce plan, qui vise à redresser à l'horizon 2006 une act ivité for tement déficitaire et ouver te à la concurr ence , se tradu it par une réduct ion de l'act ivité qui accr oît l'engorgement des routes . Or, le transpor t routier est res ponsa ble de 83% des coûts externes engendrés, ceux-ci étant évalués à 650 milliards d'eur os chaque année .

Ils ont augmenté de 12% entr e 1995 et 2000 et représentent plus de 7% du PIB eur opéen.

De plus, le protoco le de Kyoto qui est entré en vigueur, le 16 février 2005, engage les pays développés à rédu ire leurs émissions de gaz à effet de serr e de 5% en 2012. Il faut stopper , de toute urgence , l'att itude suicidaire et criminelle de l'Etat par son désen gagement mass if vis à vis du trans por t com biné, ainsi que celle de la SNCF au tra vers de son plan de casse du fret ferr oviaire. Plus que jamais, nous mesur ons la per tinence de la réa lisat ion de la liaison transa lpine Lyon-Turin, décidée en janvier 2001 par les États frança is et italien, sous le Gouvernement précé dent. Nous déplorons une nou velle fois le cou p de frein mis par l'actue l Gouvernement au sujet de cette infrastructur e au tra vers d'atermo iements et de retar ds success ifs dans la concrét isation des accor ds des différents sommets franco italiens .

Nous atten dons tou jours la confirmat ion du protoco le d'intent ion signé le 19 mars 2002 par l'Etat , la SNCF, RFF, le Conse il Régional et différentes collect ivités de RhôneAlpes prévoyant la réa lisat ion et le financement de la ligne voyageurs entr e Lyon et Chambér y, le tunne l dédié au fret sous le mass if de Char treuse et l'électr ificat ion de la ligne Gières-Montmé lian (nou s avons déjà deux ans de retar d !).

Nous atten dons toujours le bouclage financ ier pour la réalisation du tunne l franco -italien de 53 kms. Lors du mémorandum du 5 mai 2004, les deux États frança is et italien avaient signé un engagement d'augmenter leur contr ibution au budget de l'Union Européenne pour la période 2007/2013 en com plément des 20% du financement eur opéen. Nous avons pris plusieurs mois de retard pour les étu des com plémenta ires sur l'itinéra ire fret dans le Nord Isèr e.Nous restons également vigilants sur la décision qui doit inter venir pour la loca lisat ion de la futur e plateforme multimoda le autor oute ferr oviaire en sachant que le PCF réaffirme que le site de Leyment dans l'Ain, près du nœud ferr oviaire d'Ambér ieu, est l'en droit le plus straté gique.

Enfin, il est regretta ble que nous soyons dans l'inca pacité d'abs or ber plus de navettes de l'Autor oute Ferr oviaire Alpine sur la ligne actue lle à cause des retar ds pris pour la mise au gabarit «B+», dus en grande par tie au gel des cré dits de l'Etat pour le Contrat de Plan Etat/ Région 2000/2006, même si la décou ver te d'amiante côté italien a également retar dé les tra vaux.

Nous avons besoin d'une autre politique des transports avec un réel rééquilibrage de la route vers le ferroviaire.

L'objectif de la liaison transa lpine Lyon/ Turin, tracée en 2001 par J.-C. Gayssot , Ministr e des Transpor ts visait à quadrupler le trafic ferr oviaire entr e la France et l'Italie, à passer de 10 à 40 millions de tonnes , dont un tiers assuré par le ferr outa ge, ramenant les par ts de marché entr e la route et le fer à 50/50; Cet objectif est plus que jamais d'actua lité. Pour accom pagner le développ ement du ferr oviaire par des financements nouveaux, le Par ti Commun iste propose la créat ion d'un pôle financ ier public réun issant des inst itut ions financ ières publiques et para publiques dont la Caisse des dépôts et cons ignat ions.

Sa capacité de financement pourra it s'appuyer sur l'épargne populaire et devrait êtr e prioritairement utilisée à des investissements sur le long terme . Ces réalisations et leur gestion pourra ient êtr e financées par des cré dits à bas taux d'intérêt p our d es d urées lon gues , éc h a pp ant en p ar t ie au x contra intes de renta bilité financ ière. Elles engageraient ainsi l'ensem ble de la collect ivité à leur réuss ite. Cela sera it d'autant plus just ifié que les con ditions nécessa ires au développement des terr itoires sont à cons idérer comme relevant de l'intérêt collect if eur opéen, national et régiona l.

Le financement de la liaison Lyon-Turin peut êtr e l'occas ion d'amor cer cette construct ion qui ferait sauter le verrou des contra intes financ ières actue lles. Cela ne sera it pas bien vu des mar chés financ iers ? Sans doute . Mais n'est-il pas temps de leur poser quelques limites ?

D'autr es ressour ces peu vent êtr e sollicitées par une nou velle fiscalité auprès des bénéficiaires du transpor t fret ferr oviaire. C'est donc une bata ille am bitieuse que nous devons mener dans les sema ines et mois à venir. Ÿ

(*) Syndicaliste, militant du PCF